Les mises en garde et les affirmations définitives pourraient en décourager beaucoup… « Être un couple à la retraite, c’est passer du côte à côte au face-à-face », « le temps de la retraite, pour un couple, c’est un bouleversement total », « à la retraite, il faut réinventer son couple », « comment se supporter quand on est 24h sur 24, 7 jours sur 7, 2 à 2, entre 4 murs ? », etc.
Si nous arrêtions d’écouter les cassandres et si nous nous disions que, davantage qu’une épreuve pour un couple, la retraite est d’abord une étape ?**
Une de celles qui jalonnent toute vie à deux : les débuts de la vie commune, la naissance du premier enfant, puis du ou des suivants, le moment ou ces derniers quittent « le nid », vers 55 ans, sans oublier les changements professionnels, les déménagements, les maladies, les deuils ou les accidents de la vie. Autant dire que le couple arrivant à la retraite a déjà été marqué, positivement ou négativement, par des événements importants. La retraite commune en est un nouveau qui s’affronte, se construit, s’envisage, se rêve à deux. Pour tous les spécialistes, la clé de la réussite réside dans ces deux petits mots : « à deux ».
C’est « à deux » que doit s’élaborer la vie du couple à la retraite, dans l’équilibre et le partage des envies et des besoins de chacun au long de ce voyage – de plus en plus long grâce à l’allongement de la vie – qu’est la retraite à deux. La durée moyenne de retraite est aujourd’hui de 25 ans.
Arriver à la retraite, c’est, pour un couple, le moment de redéfinir ensemble ses besoins, ses rêves, ses attentes, ses aspirations, ses projets autour de cinq grands piliers que sont le couple lui-même, la famille, la société, le lieu, le temps.
Le couple
Il ne part pas de zéro… Il connaît ses ressources, ses capacités, ses faiblesses aussi. La nouvelle relation à deux se construit donc sur des bases déjà bien établies et il ne s’agit pas de l’inventer, mais de le réinventer. Il est difficile et dangereux de généraliser car chaque couple – et c’est heureux – à une histoire, un fonctionnement, des priorités qui lui sont propres.
Naturellement, cette nouvelle proximité rend souvent nécessaires les petites concessions, la capacité d’arrondir les angles, de relativiser… Mais c’est souvent peu de choses, l’essentiel étant de préserver son autonomie, de prendre du temps pour soi dans le respect de l’autre et de maintenir toujours le désir et le plaisir d’être ensemble, de partager les différentes tâches et contraintes (encore aujourd’hui, 80% des tâches ménagères reviennent à la femme, selon différentes études…), de concilier les centres d’intérêt de l’un et de l’autre.
La complicité nourrie par des années de vie commune doit se prolonger, manifestée par la bienveillance, l’attention, les petits gestes, la solidarité, le soutien mutuel.
On parle beaucoup de la sexualité des seniors. Là encore, chacun la vit à sa manière et le passage à la retraite n’en est qu’une étape nouvelle. Un couple qui se connaît depuis des années a des ressources ! Naturellement, les modifications physiologiques liées à l’âge entrent en ligne de compte, mais elles sont progressives. Pour certaines femmes, la ménopause a un impact négatif sur la libido. Pour d’autres, cette période marque une renaissance de leur sexualité. Chez les hommes, si les « performances » diminuent, ils peuvent néanmoins compenser par une plus grande sensualité. Avoir le temps et le prendre est un atout précieux. Par ailleurs, si manifester de l’affection est, bien sûr, essentiel, n’oublions pas de montrer aussi de l’admiration : les compliments contribuent au bonheur d’un couple ! De même qu’instaurer un rendez-vous hebdomadaire, par exemple, autour d’un apéritif partagé pour échanger, se rappeler de bons souvenirs, faire des projets…
La famille
Le couple à la retraite se retrouve en position de pivot intergénérationnel, entre, d’un côté, ses enfants et petits-enfants et, de l’autre, ses parents âgés. Si ce rôle de pivot est source de bonheur, il est, par d’autres aspects potentiellement cause d’épuisement et de culpabilité. S’il y a un plaisir et une satisfaction à s’occuper de ses descendants et ascendants, le point de déséquilibre peut rapidement être atteint. Être trop sollicité, d’un côté comme de l’autre, représente un lourd danger, non seulement sur le plan individuel, mais aussi conjugal. Là encore, la clé se trouve dans le fait de savoir poser des limites ainsi que dans le dialogue, l’équilibre et le partage des joies comme des contraintes.
La société
Lors du passage à la retraite, le rôle social d’actif disparaît. Il est indispensable d’en faire le deuil, avec, naturellement, des situations fort différentes d’un individu à l’autre en fonction de l’importance qu’il revêtait pour chacun. Cela ne doit pas signifier de s’exclure de la société. « En retraite, pas en retraite », dit un slogan célèbre. Trouver une nouvelle place dans la société peut emprunter des voies multiples (bénévolat, action citoyenne, engagements associatifs…), mais y parvenir renforce considérablement le sentiment d’utilité et d’inclusion ainsi que l’estime de soi, qui sont autant de forces dont le couple va bénéficier.
Le logement
Il devient le cadre principal du couple et, la plupart du temps, unique puisque le cadre professionnel de l’un et de l’autre n’existe plus. Autant dire qu’il est essentiel que l’un comme l’autre s’y sentent bien. La question du déménagement se pose souvent à ce moment-là. Elle est capitale et c’est pour cela qu’elle exige une profonde et commune réflexion. La décision ne peut appartenir qu’aux deux et toutes les questions doivent être mises sur la table : possibilité de créer ou recréer du lien social dans ce nouveau lieu ? Proximité de la famille ? D’amis ? Présence de services publics (transports, santé…) ? L’intérieur du logement doit également être repensé au moment de la retraite afin que chacun y dispose d’un lieu à soi, d’un « territoire » propre. Les spécialistes insistent aussi sur la nécessité d’effectuer un grand tri dans les affaires : quoi garder, quoi jeter, quoi changer ? C’est le cadre qui doit s’adapter à la nouvelle vie, pas l’inverse.